mardi 5 octobre 2010

Texte pour l'exposition Museaavirtualités.

Quand les artistes habiteront le réseau.
Aller à New York dans les années 60 était le moyen pour les artistes niçois d'échapper au centralisme Parisien. Dans les années 80 (pour ma génération), c'était l'Asie et en particulier le Japon qui nous ont ouvert de nouveaux horizons. Aujourd'hui, c'est en vivant dans son ordinateur que l'on croise ceux qui feront l'art des prochaines décennies.
Depuis une quinzaine d'année, le net est devenu le nouveau moyen d'échapper à la localisation de l'artiste, tout en lui permettant de rester en situation et d'être à la fois local et au coeur du réseau, au confluent de toutes les informations et à l'intérieur du média sans avoir à être médiatique.
Second Life est à ce jour le métavers le plus avancé et l'exemple le plus abouti de ce que sera le web du futur. L'immersion dans un univers entièrement en 3D et les interactions entre visiteurs font de ce monde un champ d'expérimentation de la virtualisation progressive de notre quotidien. Si, comme au début d'internet, un moment de désillusion a stoppé les espoirs de rendements commerciaux, c'est pour mieux laisser place à l'art. Il n'y a pas un soir, dans la communauté francophone du métavers, sans un vernissage ou une conférence. Et Italiens, Portugais, Danois, Américains et asiatiques ne sont pas en reste.
Comme dans tout nouveau médium, l'art cherche ses marques, mais doit-il les trouver ? Dans ce far-west numérique où tout est possible, on trouve des répliques immersives de la réalité et à l'inverse des tentatives d'y échapper. C'est dans son extraordinaire diversité sans règles fixes que tient l'intérêt de ce nouveau monde désormais si vaste qu'il est impossible d'en connaître la totalité.
Et comme à New York dans les années 60, on croise dans l'univers virtuel des artistes errants, des excentriques aux looks improbables, des junkies qui sont passé de l'autre coté du miroir et pour qui la réalité n'est plus qu'un temps mort entre deux immersion dans le jeu. On croise aussi des pionniers d'un futur moins terrible qu'on l'imagine, où nos vies seront à moitié virtuelles, des chercheurs, des artistes qui doublent leur espace de création et des personnages qui rêvaient de créer des mondes et ont réalisé leur rêve au delà de leur espérance, puisque ces mondes, bien qu'imaginaires, sont devenus des destinations touristiques où se croisent ces nouveaux utopistes.
Exposer dans Second Life n'est pas, pour l'instant, le meilleur moyen de référencer son oeuvre au monde; c'est plutôt comme exposer dans un pays étranger, sur une île, quelque part avec ses habitants, ses coutumes et sa monnaie. Mais c'est aussi et surtout tester ce que sera le futur de l'art, quand les métavers seront reliés au net comme de simple site. Le début d'une exploration à l'intérieur du réseau, avec ses oeuvres sous le bras virtuel de son avatar.
Succursale du réel, le métavers a ses propres réalités et son économie ainsi que ses artistes, ses DJs, ses musiciens, ses chanteurs, ses penseurs et ses lieux touristiques … Au delà d'un simple site internet en 3D, Second Life crée ses propres besoins et ses propres styles.
Mais attention cependant, car il deviendra difficile de savoir si vous êtes encore le créateur ou la créature, l'acteur ou le spectateur : ici, l'artiste vit dans l'oeuvre et se regarde fabriquer une nouvelle histoire.
Celui qui fait l'image est lui-même à l'intérieur de cette image et il peut devenir très dur de quitter ce nouveau monde.

Patrick Moya (aka Moya Janus)

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